vendredi 12 juillet 2019

L'Adolescence à la maison

Voici un terme qui en jette ! Ah, l'adolescence, ce passage obligé de la vie qui saisit nos jolies petites têtes blondes un matin pour les transformer en pantins désarticulés bougonneurs et réfractaires à toute forme de vie familiale.

Pendant longtemps, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elle s'invite chez moi avec ses énormes sabots et décide de poser ses valises pour un séjour indéterminé, je voyais l'adolescence comme une espèce de phénomène agité au nez des parents afin de leur faire comprendre que la béatitude des premières années ne durerait pas, que le pire restait à venir, et une occasion supplémentaire de dresser des cases entre les individus. Vous savez, on met les bébés à la crèche, les enfants à l'école, les parents au bureau, les grands-parents à la maison de retraite et les adolescents dans cet espace-temps troubleur de tranquillité.


Eh bien, j'ai changé d'avis. Deux fois.

La première fut en effet quand le mignon petit bonhomme qui embellissait mes journées a peu à peu quitté son tendre sourire empli d'enthousiasme et de curiosité pour se vêtir d'une humeur aussi cordialement noire que ses tee-shirts taille M.
Je pense avoir été longue à la détente car mon Lutin a commencé sa mutation il y a déjà longtemps, alors qu'il n'a actuellement que treize ans et demi, et que sa voix comme son mètre quatre-vingt trois ont eu du mal à s'imposer à mes yeux de maman gaga.
Puis, mes paupières se sont soulevées, elles ont établies un fin raccordement neuronal avec mon ciboulot et il a bien fallu que je me rende à l'évidence. Mon bébé était devenu un adolescent.

Son énergie débordante est venue se couler sur le canapé en position 120 degrés, lorsqu'il était obligé de quitter son lit. Son vocabulaire jusque-là étendu et fort à propos après avoir vaincu de terribles difficultés de prononciation se limitait aux onomatopées, pas expressives mais d'humeur très claire. Le courageux bambin qui escaladait les falaises en couche passait son temps à se plaindre de douleurs au dos (justifiées), aux jambes (justifiées), au quarante-huitième cheveux (justifiées, uniquement pour lui). Le futur adulte coopératif avide d'aider à la maison avait déposé son tablier pour grogner lorsque je lui demandais un coup de main fort nécessaire. La porte de la chambre s'est fermée. Et, parmi les moments de plus grandes frayeurs, j'ai passé quelques semaines en compagnie d'un être-zombie qui répondait à côté de mes questions et agissait sans queue ni tête, en me demandant quel coup sur le crâne il avait subi ou si son cerveau n'aurait pas définitivement trouvé le bouton OFF.

J'ai clairement été désarçonnée et, pourtant, on m'avait prévenu. De nombreuses fois. A écouter les avis, il était temps de scolariser car tout était perdu, plus jamais il ne voudrait apprendre de la même manière. Il fallait sévir et faire comprendre qui était l'autorité à la maison. Il fallait se méfier aussi des bêtises à venir. Bref, il fallait combattre comme on pouvait l'être dégoulinant d'abattement et de sébum en train de gâcher l'ambiance (image un peu excessive).

J'ai bien failli céder à cette pression. Car c'est ce qu'elle est, comme de nombreux autres sujets, une pression de plus sur celles et ceux qui veulent faire autrement. Car, le message était clair : je n'y arriverai pas.

Oui, j'ai eu envie que mon Lutin rejoigne les bancs de l'école. Plus d'une fois. Et encore il y a peu. En fait, ce n'est pas l'institution que je voulais, c'était la structure qui pourrait le recevoir plusieurs fois par semaine, en journée, afin de lui proposer des choses intéressantes. Sous-entendu, moi, je ne peux pas le faire donc la solution miracle est ailleurs. Constat : il n'y a pas de solution miracle. La structure dont je rêvais n'existe pas et le Lutin n'avait aucune envie de ce genre de choses (imaginez, il aurait fallu se lever et sortir, dans la même journée !)

Les apprentissages sont en effet, plus compliqués à mettre en œuvre. Toutefois, quand j'arrive à ne pas le braquer d'emblée, nous passons de joyeux moments à rire, à bavarder, et à s'instruire par-ci, par-là. Et nos méthodes restent semblables d'après sa volonté. Quant à faire le gendarme, j'en suis génétiquement incapable. Alors, de temps en temps, je mets ma casquette bleue de force pour ne pas risquer de créer un monstre insupportable. Le reste du temps, je fais comme je peux et mon géant me le rend bien.

Alors, j'ai changé d'avis pour la deuxième fois.
L'adolescence ne se combat pas et ne s'évite pas, (et si vous chercher à fuir, les autorités finiront par vous retrouver). L'adolescence s'invite, certes. Mais, je n'ai trouvé la paix, nous avons trouvé la paix, qu'à partir du moment où je l'ai accueillie, acceptée et, à tâtons, accompagnée. Ce n'est pas parfait, c'est surtout épuisant en fait, mais c'est salvateur pour tout le monde.

Mon Lutin prend son temps alors j'ai décidé, de nouveau, de prendre le mien. Les repas sont plus compliqués car les goûts changent chaque semaine. C'est dû aux hormones. Soit, expliquons notre désarroi et comptons sur une participation en cuisine. C'est une blague ? Oui. L'option réelle est soit on cuisine ensemble, soit on fait avec ce qu'il y a. Ben oui, je tiens à survivre quand même !
Pour les apprentissages, calme et arrondis sont devenus mes meilleurs amis. ça prend du temps, vraiment. En vérité, à ce passage de la vie, l'intérêt n'est plus à l'instruction. La vie sociale, la découverte de soi, des sentiments, aspirent complètement. Alors, je prends en considération ces derniers afin de glisser un peu d'autres choses.
Je découvre un grand gars, capable de citer chacune des pièces d'un ordinateur et avide de m'expliquer leur usage, le comparatif qualité/prix de toutes les marques lorsqu'il ne dresse pas des tableaux sur des systèmes de jeux qui me sont hermétiques.
Et surtout, le plus important (et récent), je continue à lui faire confiance. J'avais confiance en l'enfant qui en demandait toujours plus. C'était rassurant. Je dois avoir confiance en l'ado qui en veut toujours moins. C'est carrément flippant. Mais l'amour inconditionnel est à ce prix-là. Il est, pour moi, ce qui permettra à Lutin de se construire essentiellement. Il aura ensuite tout le temps de choisir des secteurs de découvertes, de tracer sa voie, de douter, de changer de chemin, d'évoluer quoi.
Ce n'est que mon choix et je ne lis pas l'avenir. On verra bien.

Cependant, si vous pouviez éviter de me parler de ce billet les jours où je serai trop fatiguée, trop excédée, trop pressée, trop découragée, en train de douter, en train de m'inquiéter, en train de me questionner, en train de tout contrebalancer, en train de tout envoyer balader, je vous en serais d'une reconnaissance extrême.

Et, chez vous, en mode ado ?

6 commentaires:

  1. Cet article me rassure. J'ai la même à la maison, je navigue à vue. Donc je vais écouter ton conseil et accepter. Merci !

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    1. Je suis contente si cela peut te rassurer. Naviguer à vue, oui, je crois que le terme est bien choisi. Courage, il paraît que l'adolescence ne dure pas toute la vie ;-)

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  2. Quel plaisir de te retrouver ici ! Bon et pour l'adolescence, ça ne donne pas envie. Ma fille s'en approche, j'en tremble presque...

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  3. Merci ! Ah oui, ça me manquait, je me suis laissée engloutir par le quotidien, par des essais de changements par toujours concluants mais, au moins, j'en sors ragaillardie pour cette "nouvelle" année. Je comprends que ça ne donne pas envie cette adolescence dont on parle tant. Mais justement, je crois qu'à force de faire peur avec cette période, on envenime les choses avant qu'elles ne soient vraiment là. J'ai même lu quelque part que certains enfants ne rentraient pas vraiment dans l'adolescence, ils réagissent au comportement des parents qui angoissaient en amont provoquant eux-mêmes une crise… Allez, je suis sûre que ça va bien se passer ! ;-)

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    1. Espérons, mais la demoiselle a déjà tout un caractère... et un amoureux !

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    2. Eh ben, ça va vite ! Oh là là, j'ai l'impression d'être une vieille mère quand je les vois vivre tout ça !

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